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Diversité dans la French Tech : tirons les leçons du malaise américain

Diversité dans la French Tech : tirons les leçons du malaise américain
Diversité dans la French Tech : tirons les leçons du malaise américain
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Retrouvez l’intégralité de la tribune de Mehdi Tahri, co-fondateur d’iziwork, sur le site internet du Parisien.

« Diversité. Alors que le mouvement Black Lives Matter ébranle aujourd’hui la Silicon Valley comme le reste des Etats-Unis, la French Tech est restée relativement silencieuse sur ces questions de diversité et de discrimination. Pourtant, il suffit de participer aux événements de France digitale pour constater que l’homogénéité ethnique et culturelle des startuppeurs et investisseurs est probablement plus marquée encore qu’outre-Atlantique.

Je suis un entrepreneur français, d’origine marocaine et espagnole, et j’ai cofondé la start-up technologique Iziwork, qui a levé 27 millions d’euros (M€) pour améliorer l’expérience du travail temporaire. Naturellement, cette cause m’est particulièrement chère et je crois qu’il est temps d’ouvrir les yeux. Parmi les dirigeants de start-up françaises ayant levé plus de 20 M€, les personnes issues de l’immigration africaine ou asiatique — même de troisième génération — se comptent au mieux sur les doigts d’une main. Evidemment, cette situation n’est pas spécifique aux jeunes entreprises innovantes. Au sein du classement Fortune 500 (NDLR : classement des 500 premières entreprises américaines, selon leur chiffre d’affaires), actuellement décrié pour son manque de diversité, on compte 4 PDG afro-américains, 16 d’origine asiatique et 11 d’origine hispanique. En France, le CAC 40 est moins représentatif encore de la diversité française puisque aucun PDG d’origine africaine ou asiatique n’y figure, à l’exception de Lakshmi Mittal qui s’y est imposé lors du rachat d’Arcelor par Mittal Steel Company.

Aujourd’hui, la French Tech a l’opportunité de montrer la voie. Les start-up sont la figure de proue de l’innovation : elles ont l’agilité nécessaire pour adapter rapidement leurs organisations aux modèles les plus efficaces. Or, au-delà de l’injustice évidente qu’engendre la discrimination ethnique, se priver des talents issus de la diversité est une source d’inefficacité majeure. Une étude de McKinsey & Company, publiée en 2017, a démontré la corrélation statistiquement significative entre la diversité ethnique et culturelle des entreprises et leur surperformance économique.

Concrètement, le changement commence par un audit sans complaisance. Nous devons briser les tabous à ce sujet : on ne peut résoudre un problème sans le connaître et la question des statistiques ethniques doit, à mon sens, être posée. Il est également nécessaire d’inclure de façon explicite et assumée la diversité au sein des valeurs des organisations, et de se montrer intransigeant envers les comportements discriminatoires, même les plus anodins. Par ailleurs, nous devons nous attaquer dès le plus jeune âge aux racines de ce manque de diversité et au conditionnement autolimitant des enfants de minorités ethniques. Je crois en particulier que les entrepreneurs issus de ces minorités ont un rôle important à jouer en prenant la parole. Ils incarnent des figures de référence et ont la capacité d’insuffler les vocations d’excellence de demain.

Il est aujourd’hui essentiel que l’ensemble de l’écosystème French Tech se mobilise sur cette question de diversité ethnique et culturelle. Certes, comme beaucoup l’ont fait remarquer récemment, la situation en France n’est pas celle des Etats-Unis. Néanmoins, la fracture profonde que vit aujourd’hui la société américaine doit nous servir d’avertissement. N’attendons pas qu’il soit trop tard pour agir. »